« L'homme est condamné à être libre ; parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait. »
L'Existentialisme est un humanisme, 1946 - Jean Paul Sartre (1905-1980)
Rencontrer Long Bing pour la première fois m’a fait réaliser à quel point l’expression « une œuvre est à l’image de son créateur » pouvait être appropriée. J’ai passé plusieurs mois à observer ses œuvres, à discuter avec lui, à essayer de le comprendre, de l’encourager, tout en suivant de près l’évolution subtile de ses créations. Une nuit, nous avons eu une longue conversation sérieuse sur la philosophie, mais loin d’être ennuyeuse, elle était profondément enrichissante.
Long Bing est un artiste au monde intérieur riche et avide de liberté, mais il est aussi un enfant chaleureux, empreint d’une solitude infinie. Dans sa série d’œuvres sur le thème de la forêt, il construit pour lui-même une sorte de théâtre. Une forêt dense et mystérieuse sert à créer un espace clos et oppressant, à la fois silencieux, solennel et teinté de tristesse. Les figures humaines représentées, semblables à des « statues », semblent être prises dans une « solitude collective ».
Ce qui pousse Long Bing à choisir des symboles philosophiques empreints d’Existentialisme pour exprimer son art, c’est sa quête sincère et infatigable de « sculpter le moi à distance ». Il parvient à créer un espace d’existence qui échappe aux influences extérieures, accomplissant ainsi l’acte de « dépeindre le vide ». Cette démarche, fondée sur une exploration profonde est un dialogue intérieur, sa cherche résonne avec nous.
La recherche et l’interprétation du « soi » par Long Bing dépassent de loin celles de nombreux artistes contemporains. Il s’efforce d’élaborer une philosophie où l’existence vivante est primordiale, refusant de réduire cette expérience à un concept, une définition ou une essence.
Ainsi, l’Existentialisme s’oppose à l’Essentialisme. En général, cette philosophie se divise en deux grands courants : L’Existentialisme Chrétien, qui trouve un sens à la misère humaine en Dieu. L’Existentialisme Athée, représenté par des philosophes comme Heidegger (1889-1976), Sartre (1905-1980) et Merleau-Ponty (1908-1961). Le premier courant, notamment représenté par Pascal (1623-1662), considère que l’homme est perdu dans l’univers et que son état de misère ne peut trouver un sens qu’en Dieu. Sa conception de la connaissance néglige la dimension tragique de l’existence et, en privilégiant la pensée, oubliant le penseur, tout comme Kierkegaard (1813-1855) a critiqué l’idéalisme hégélien.
Long Bing s’inscrit résolument dans ce second courant. Bien que douloureuse, cette vision révèle aussi notre liberté. Puisque l’homme ne peut pas s’ancrer dans une référence absolue, il doit créer ses propres valeurs dans ce monde où il est « jeté ». Cet Existentialisme Athée, ou « athéisme anti-déterministe », suppose que l’homme est fondamentalement libre et que c’est uniquement par ses choix et ses actions qu’il donne un sens à sa vie, dans un univers dépourvu de signification préétablie.
Le « moi » de Long Bing est parfois clair, mais souvent difficile d’accès. Sa série Ma Forêt est en réalité une suite d’autoportraits, dans lesquels l’artiste se dévoile à travers divers lieux. Mais ses œuvres montrent aussi des individus isolés ou des portraits de groupes. Est-ce pour témoigner de la solitude née de l’anonymat collectif ? Ou bien pour renforcer un sentiment d’aliénation en imaginant une communauté fictive ? Sans une réflexion philosophique ou une logique conceptuelle, nous risquons de ne pas saisir l’essence des choses dans les moments de crise. Pris dans une mélancolie romantique, au cœur de la brume des villes modernes, nous pourrions nous perdre, incapables de trouver la vérité à travers la beauté, et donc une lueur d’espoir. La société est ainsi, l’art aussi, et la vie de même. Les véritables grands artistes ont toujours une profonde réflexion philosophique.
Dans le monde contemporain, le parcours d’un véritable artiste est inévitablement marqué par une teinte sombre de l’existence et ressemble à une quête intense de la pensée. Cette recherche de sens est souvent austère et douloureuse, accompagnée d’une solitude presque suffocante. C’est précisément pour cette raison que je chéris Long Bing et son engagement continu envers son « Existence du soi ».
Zhong Ai
Galeriste,
Le 23 novembre 2024
Vanities Gallery présentera son travail en France entre le 6 et 31 mars 2025 dans son espace à Paris avec les artistes Zhu Qingwei et Han Yu
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